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Témoignage: l'histoire de Joaquim


"Le 24 décembre 2003, Joaquim avait des céphalées très importantes et beaucoup de fièvre et quelques vomissements. Son petit frère alors agé de 5 ans et demi venait d'avoir exactement la même chose. Un virus quelconque. C'était juste un peu décevant qu'il ne soit pas en pleine forme pour ouvrir ses cadeaux. Comme son frère , il a fallu 8 jours pour s'en sortir. Je trouvais cela un peu long pour un problème viral, mais sans inquiétude particulière. Joaquim qui avait eu 7 ans le 23 septembre 2003, n'avait jamais ou presque été malade. De 5 à 7 ans un seul jour d'absence à l'école ! Puis la fin des vacances scolaires et une rentrée normale . Rien à constater jusqu'au 12 février 2004. Dans la nuit Joaquim a eu des vomissements en jets. Nous en avons ri, disant que nous envisagions de repeindre sa chambre mais que là ce serait une nécessité ! Diagnostic : gastro ; d'autant que 2 jours plus tard c'était à mon tour, gastro avec vomissements et très grande fatigue. Donc décidément Joaquim n'avait pas de chance, malade à Noël et aux vacances de février, mais avec toujours quelqu'un de proche présentant les mêmes signes . Donc toujours pas d'inquiétude particulière envers Joaquim. Bien sûr un peu plus fatigué mais on le met sur le compte des longues journées de ski...Et toujours des céphalées latentes...

Puis du 22 au 27 mars 2004, il y a eu le premier voyage scolaire de Joaquim avec la classe de CE1, suivi des vacances scolaires de Pâques, qu'il a passé pour moitié avec nous et pour l'autre chez mémé. Au cours de ses vacances , pas de signes particuliers, il a fait 100 Km de vélo en 4 jours!!! Mais des vomissements sont réapparus et une fatigue le soir. Je me répète encore mais la fatigue ne semblait pas anormale après 30 Km de vélo! Malgré tout je me suis dit que de retour à la maison j'allais lui faire faire des examens complémentaires et rechercher l'étiologie de ses vomissements.Ce n'est donc que vers la mi avril que je me suis réellement inquiétée!!!!!!! L'ami médecin généraliste diagnostique a nouveau une gastro et pour les céphalées, une sinusite chronique. Joaquim avait mal sur le dessus de l'arcade sourcilière gauche. Je lui ai dit que sa réponse ne me convenait pas et que des vomissements à jeun ne sont pas normaux. Je prendrai RV chez un ophtalmo pour vérifier sa vue dans un premier temps puis un bilan biologique. Le copain m'a dit "oui, oui si tu veux, mais sans conviction particulière" . Le lundi 27 avril à 19h30, l'ophtalmo détectait une hypertension intracranienne à travers le fond d'oeil.

Et là LE CHOC SEULE face à l'ophtalmo en 2 secondes tout s'est effondré. Joaquim n'avait pas chuté, pas d'accident. Un processus évolutif était forcément à l'origine de cette HTA. Mes jambes avaient bien du mal à me soutenir, mille questions m'assaillaient : pas de signes neurologiques , pas de diplopie ( vision double ), pas de perte d'équilibre, pas de paralysie, pas de modification de la parole...... Je me répétais " ça va aller, se doit être le début". A 21h30, nous étions au scanner (grâce à Anne, une amie radiologue ). A 21h40, je vois Anne et l'ami généraliste s'asseoir l'un à ma droite et l'autre à ma gauche, l'un d'eux posant sa main sur mon genoux "il y a quelque chose dans la fosse postérieure" . Et immédiatement , il faut l'opérer. Première question, chez quel neuro chirurgien allait-on diriger Joaquim? En attendant le lendemain, on nous propose de rentrer chez nous, où nous attendent Guillem ( le frère ) et Jeanmichel ( le papa ) . Mais très vite le responsable des urgences nous dit qu'il n'a pas le droit de nous laisser repartir, le diagnostic radio étant posé, il ne peut laisser partir Joaquim dans la "nature". Il craint pour sa responsabilité. Pendant ce temps d'attente, j'avais téléphoné à Jeanmi puis une heure plus tard pour lui demander de me préparer une valise. Lors du second appel, il me dit qu'il est sur le net depuis une heure et m'annonce en pleurs "Noëlle, 30% de survie à 10 ans pour les tumeurs cérébelleuses ! " A 2 h du matin le 28 avril 2004 nous étions transféré au CHU à 100 km de notre domicile .

Les amis médecins ont eu la bonne idée de ma cacher dans un premier temps l'imagerie ; mais le mardi un interne de 1ère année nous a affiché sur le négatoscope le scan et l'irm . La tumeur mesurait 4 cm , dans l'encéphale d'un enfant, c'est énorme. Même si j'avais conscience que la taille de la lésion n'était pas le facteur primordial, ce fut extrèmement choquant! Nous rencontrâmes le mardi soir le neurochirurgien, nous n'avions guère de questions à lui poser, nous avions une attitude passive, nous étions totalement choqués . L'intervention fut prévue pour le lundi matin. Durant la semaine d'hospitalisation, je me terrais dans la chambre de Joaquim, évitant les autres parents. Dans la chambre nous avions une vie presque normale, avec des jeux, des vidéos, des calins...Nous nous sentions agressés dés que la porte de la chambre s'ouvrait. Nous savions que ces blouses blanches représentaient la seule solution mais ....

Lundi 7h, nous accompagnions Joaquim jusqu'au sas avant le bloc . A 9h, je demande un anxiolytique, je ne vais plus pouvoir bien longtemps me retenir de hurler! Je visualise depuis 7h30 les différentes étapes de l'intervention (de par ma formation, je sais quelles sont les voies d'abord etc...) . Simple parenthèse, depuis le 27 avril, je n'ai pas pris plus de 6 ou 7 deroxat, je ne veux rien qui puisse anesthésier ma douleur. Le lundi soir vers 20h, Joaquim revient dans sa chambre en soins intensifs. Il revient vivant, sans séquelles primaires lourdes immédiates. Ce n'est qu'à cet instant que je réalise que tout n'est pas perdu, que nous allons nous battre tous ensemble et que Joaquim appartiendra à ces 30% . Vers minuit les douleurs sont importantes, un antalgique type paracétamol est passé dans la perfusion associé à de la glace. Le neurochirurgien a dit à 21h, pas de nubain jusqu'à demain. Mais à 1h, Joaquim est très agité. L'interne donne l'autorisation pour le nubain; je signale ma réticence mais j'ai aussi très peur des effets d'une douleur intense et il n'est qu'1h et attendre 9h l'arrivée du neurochirurgien ...
A 1h20, je vois un rash cutané apparaître sur le visage de Joaquim, je sonne. Je cours dans le couloir signaler qu'il se passe quelque chose, que c'est peut être allergique. Je reviens dans la chambre ,Joaquim est cyanosé en arrêt cardiaque. La suite une attente de plus de 10 minutes l'équipe de réanimation. Et moi disant sans cesse 3 minutes il faut agir dans les 3 minutes. Je n'ai pas pu aider l'équipe à réanimer Joaaquim , je suis restée pétrifiée dans le couloir. Je l'ai abandonné.

La suite: la réa jusqu'au jeudi 6 mai à 12h jour déclaré de sa mort ( alors que toute activité cérébrale avait cessé le mardi à 1h30). J'invite tous les parents à ne pas faire comme moi, à ne pas rester "passifs" devant les médecins malgré le choc, à demander à l'avance en cas d'intervention sur la fosse postérieure si l'enfant sera maintenu dans un coma artificiel après l'intervention afin de diminuer les troubles neurovégétatifs ou tout au moins afin de pouvoir les gérer.La procédure post chirurgicale varie d'un CHU à l'autre. Quant au nubain, il n'est pas décrit dans la littérature de choc anaphylactique, mais si j'avais su que le produit qui devait soulager Joaquim soit acteur de sa mort je me serais opposée à son utilisation. Ce nubain est utilisé très classiquement en post opératoire, il avait été prescrit pour Joaquim par le médecin anesthésiste à la sortie du bloc, mais là encore j'invite tous les parents à questionner l'équipe médicale avant. Joaquim n'était pas sauvé bien évidemment après la chirurgie mais il ne devait pas mourir cette nuit là. Demander à ce que votre enfant reste en réanimation, même si il n'est pas maintenu en coma artificiel, mais afin que l'équipe de réa puisse agir dans les 3 minutes fatidiques. Je n'imaginais pas que on puisse attendre aussi longtemps d'un service à l'autre à l'intérieur même d'un CHU!!"


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